Langage et représentations de l'odeur
Quelques propriétés linguistiques des noms renvoyant au domaine olfactif
Quelques propriétés linguistiques Des catégories d'odeur
Perception olfactive et roman : Odeur de sainteté Être au parfum
Hypertextes et
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Nous présentons ici quelques résultats produits à partir d'une étude linguistique de différents termes du français qui peuvent être associés au domaine olfactif. Cette étude a été entre autres menée à partir de l'étude de divers corpus : corpus de la base Frantext, réponses de locuteurs francophones à un questionnaire demandant de définir une odeur et de citer des types d'odeurs qu'ils connaissaient. Cette même tâche a par ailleurs été demandée à d'autres locuteurs concernant les termes saveur, bruit et son.
Dans les autres langues...
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- Des fréquences d'emploi différentes
C'est ce que l'on observe quand on interroge la base Frantext (interrogation portant sur tous les ouvrages du XIXe et XXe siècle de la base, ce qui représente 1 918 ouvrages différents) (voir Perception olfactive et roman). Les résultats sont donnés en nombre d'occurrences :
Terme Nombre d'occurrences odeur 10507 parfum 5409 senteur 864 effluve 377 puanteur 306 exhalaison 211 miasme 205 pestilence 81 remugle 62 fragrance 26 fraîchin 0 N.B. : les occurrences de parfum regroupent les occurrences associées aux domaines olfactif et gustatif (par exemple une glace au parfum vanille).
Odeur est ici le terme le plus souvent employé (presque deux fois plus que parfum).
- Des odeurs et des objets
Pour désigner des odeurs particulières ou des types d'odeurs, on utilise régulièrement la construction "odeur + de + nom". Par exemple :"C'est une odeur de fleurL'emploi de la préposition est obligatoire. À la différence de ce qui se passe pour le terme couleur. C'est ainsi qu'en français, s'il est possible de dire :
Je sens une odeur de pomme""Je préfère la couleur cerise, je déteste la couleur feuille morte"On ne peut pas dire :"Je préfère l'odeur pomme, je déteste l'odeur vestiaire"L'obligation d'avoir la préposition de montre que le français conçoit l'odeur, à travers l'utilisation du terme odeur, comme une caractéristique indissociable de l' "objet" qui sent. De ce fait, l'organisation des odeurs en mémoire est influencée par l'organisation des objets correspondants (voir Des catégories d'odeurs)
On peut aussi utiliser le verbe sentir. On mentionne alors directement le nom de la source, du lieu, etc. indiquant l'odeur typique associée à cette source, ce lieu, etc. Le nom vise alors très souvent des catégories "naturelles" (fleurs, fruits, animaux, etc.) :"Ça sent la fraiseEt on ne pourra pas dire :
Ça sent le poisson""Ça sent une fraiseExcepté si l'on poursuit :
Ça sent un poisson""Ça sent un poisson. Je ne sais plus lequel. Peut-être le saumon"Dans un contexte d'identification, si l'on sait de quelle odeur il s'agit, l'obligation d'avoir le déterminant le/la et l'impossibilité d'avoir un/une montrent que le français conçoit l'odeur comme étant celle de l'espèce.
- Odeur et les propriétés temporelles
Les termes associés au domaine auditif, tels que bruit, miaulement, grondement, etc., comportent dans leur signification des éléments temporels. Ce n'est pas le cas pour le terme odeur. En effet, on ne peut pas dire en français :"Je suis sorti avant l'odeur. Depuis l'odeur, j'ai mal à la tête"On trouve cependant dans d'autres langues (certes en petit nombre) des termes explicitant ce type de propriété (Boisson 1997).
"L'odeur traîne en longueur"
"J'ai senti deux heures d'odeur. J'ai senti une odeur de deux heures"
"Une odeur s'est produite"En français, ce qui est dénoté par le terme odeur n'a pas, sur le plan linguistique, de propriétés temporelles.
- Des odeurs comme des effets
Pour caractériser des odeurs, les locuteurs que nous avons interrogés ont souvent utilisé des expressions telles que odeur agréable, odeur désagréable, odeur piquante, odeur gênante, odeur réconfortante, etc. Les adjectifs sont construits avec l'affixe -able ou avec l'affixe -ant, les seconds étant plus nombreux que les premiers. On signifie avec ces expressions qu' "une odeur (nous) réconforte, (me) gêne, pique (quelqu'un)", etc.
Les résultats de l'interrogation de la base Frantext confirment cette observation : les adjectifs en -ant constituent le groupe plus important.
Par ailleurs, quand les locuteurs définissent ces termes, ce sont les définitions associées à odeur qui présentent le plus des pronoms personnels. Par exemple :"C'est un parfum, quelque chose d'abstrait que l'on peut sentir. Elle peut être agréable ou non selon les personnes. On ne peut pas la toucher ; on ne la remarque que grâce à son odorat. Elle peut être artificielle ou naturelle. Elle peut nous donner des informations sur notre environnement." (Corpus-DO 1-3)Cet ensemble de propriétés, qui se manifestent dans la langue française, confirme d'autres résultats d'expériences, qui conduisent à penser que les odeurs sont conçues comme des effets. C'est-à-dire comme des manifestations indissociables de la personne qui les perçoit. Les odeurs n'ont pas l'objectivité "des choses que l'on voit", que l'on considère et que la langue institue comme des objets du monde indépendants des observateurs.
"Une odeur est quelque chose que je perçois par le nez ; cette odeur m'est agréable ou désagréable. Une odeur est un point de repère au sens où elle m'indique des lieux ou des choses familières. [...]" (Corpus-DO 1-13)