L'utopie, l'anti-réel ?

Dans les extraits qu'on va lire ci-dessous, on est à l'opposé de l'enthousiasme naïf d'une Georges Sand par exemple. Certains auteurs manifestent une grande aversion envers les utopies sociales qui n'engendrent que des malheurs. Gustave Flaubert, contemporain de la Révolution de 1848, les résument en termes lapidaires : la tyrannie, l'antinature, la mort de l'âme.

"... et j'aurais peine à m'ôter de l'esprit que tout homme qui a planté un arbre, ensemencé un guéret, ou construit une maison solide, aérée, spacieuse et bien distribuée a rendu un service plus essentiel à ses semblables que les économistes, les philosophes et les hommes d' état avec leurs utopies de vieux enfants, si malheureuses en pratique."

Charles Nodier, La Fée aux Miettes, 1831, Nilsson, 1930, page 157.

"Notre plus grand ennemi, socialistes, est l'utopie !"

Pierre Joseph Proudhon, Système des contradictions économiques ou philosophie de la Misère, 1846, Librairie Internationale, 1872, page 83.

"Quand on se crée une utopie, on ne tient compte ni du passé, ni de l'histoire, ni des faits, ni des moeurs, ni du caractère, ni des préjugés : enchanté de ses propres rêves, on ne se prémunit point contre les événements, et l'on gâte les plus belles destinées."

François de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, 1848, Flammarion, 1948, page 228.

"Une des premières études auxquelles je me livrerai à mon retour sera certainement celle de toutes ces déplorables utopies qui agitent notre société et menacent de la couvrir de ruines.

Gustave Flaubert, Correspondance, 1848-1850, L. Conard, 1926, page 238.

"C'est toujours à ses risques et périls que l'utopie se transforme en insurrection, et se fait de protestation philosophique protestation armée, et de Minerve Pallas."

Victor Hugo, Les Misérables,1862, Garnier, 1957, page 482.

"On a senti instinctivement ce qui fait le fond de toutes les utopies sociales : la tyrannie, l'antinature, la mort de l'âme."

Gustave Flaubert, Correspondance, 1861-1865, L. Conard, 1929, page 149.

"Les praticiens m'ont d'abord dit que la médecine expérimentale n'étant pas encore établie, je professais dans l'état actuel des choses une utopie, c'est-à-dire une science qui était dans les brouillards de l'avenir, et que, par conséquent, mon enseignement, loin d' être utile aux jeunes gens, est capable au contraire de les égarer..."

Claude Bernard, Principes de Médecine Expérimentale, 1878, P.U.F.,1947, page 107.

Les utopies les plus inoffensives en apparence exercent réellement une action nuisible."

Anatole France, Le Lys Rouge, 1894, Calmann-Levy, 1927, page 44.
 
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